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- Date de création 16 janvier 2025
- Dernière mise à jour 16 janvier 2025
DECISION N° C-007/24 du 23 décembre2024
AFFAIRE : Exception d’inconstitutionnalité
Société Internationale de Commerce et d’Industrie (ICI ELDORADO
SARL) (SCP DOGBEAVOU et ASSOCIES)
c/Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) (Me Y.K. HAMADOU)
DECISION : N° C-007/24 du 23 décembre2024
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
LA COUR CONSTITUTIONNELLE,
Saisie par lettre n° 087/24/TTLen date du 14 novembre2024, enregistrée au
greffe de la Cour le 06 décembre 2024sous le n° 084-G, par laquelle le président
du tribunal du travail de Lomé, en application de l’article 104, alinéa 8 de la
Constitution du 14 octobre 1992, demande à la Cour de se prononcer sur
l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par la Société Internationale de
Commerce et d’Industrie SARL (ICI) assistée par la SCPDOGBEAVOU,
Société d’Avocats au Barreau du Togo dans la procédure de notification d’une
contrainte l’opposant à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), assistée
de Maître Y.K. HAMADOU, avocat à la Cour ;
Vu la Constitution du 14 octobre 1992 en ses articles 19 et 104, alinéa 8 ;
Vu la loi organique n°2019-023 du 26 décembre 2019 sur la Cour
constitutionnelle ;
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Vu le règlement intérieur de la Cour, adopté le 15 janvier 2020 ;
Vu la lettre n°0228/CC/2024/P du 09 décembre 2024 du président de la
Cour adressée à Madame la Directrice générale de la Caisse nationale de
sécurité sociale (CNSS) ;
Vu le mémoire en réponse en date du 12 décembre 2024 de Maitre Y. K.
HAMADOU, Conseil de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale ;
Vu l’ordonnance n° 040/2024/CC/P du 09 décembre 2024du président de
la Cour portant désignation du rapporteur ;
Vu les pièces du dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que par lettre en date du 14 novembre 2024, le président du
tribunal du travail de Lomé a transmis à la Cour constitutionnelle, la requête
introductive d’instance par laquelle la Société Internationale de Commerce et
d’Industrie (ICI ELDORADO SARL assistée de son Conseil, la SCP
DOGBEAVOU,a soulevé l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 21 point
3 du code de sécurité sociale ainsi que le jugement avant-dire-droit du 22
octobre 2024 portant sursis à statuer dans l’affaire qui oppose ladite société à la
CNSS ;
2. Considérant que l’article 104, alinéa 8 de la Constitution du 14 octobre 1992,
énonce que : « Au cours d’une instance judiciaire, toute personne physique ou
morale peut, « in liminelitis », devant les cours et tribunaux, soulever
l’exception d’inconstitutionnalité d’une loi. Dans ce cas, la juridiction sursoit à
statuer et saisit la Cour constitutionnelle » ;
3. Considérant que l’exception d’inconstitutionnalité est la possibilité pour un
justiciable, à l’occasion d’un procès devant les cours et tribunaux, d’invoquer,
avant tout débat au fond, la non-conformité à la Constitution d'une disposition
légale ;
4. Considérant que l’exception d’inconstitutionnalité de la Société Internationale
de Commerce et d’Industrie (ICI ELDORADO SARL) assistée de son Conseil,
la SCP DOGBEAVOU,a été soulevée au seuil du procès, et avant tout débat au
fond ; qu’elle est donc recevable ;
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5. Considérant que la requérante, au soutien de sa demande, expose par le canal
de son Conseil que,suivant exploit en date du 10 février 2022, la CNSS lui a
signifié la grosse d’une contrainte aux termes de laquelle cette dernière estime
qu’elle lui devrait un montant de vingt millions cent-vingt-un mille quatre-vingtdeux
(20.121.082)F CFA ; que la CNSS soutient que ce montant résulterait de la
notification de résultats définitifs de contrôle sur place qu’elle aurait effectué sur
elle, lesquels résultats définitifs sont augmentés des frais de poursuite ; que le
montant de ce redressement est manifestement injustifié et erroné ;
6. Considérant que la demanderesse, tout en réservant les débats de fond, relève
que l’acte de contrainte a été délivré sur le fondement de l’article 21 point 3 de
la loi n° 006 du 21 février 2011 portant code de sécurité sociale du Togo qui
dispose : « …l’opposition n’est recevable que si au moins la moitié du montant
des cotisations en cause a fait l’objet d’une caution bancaire ou d’un dépôt de
cautionnement auprès du greffe du tribunal du travail » ; qu’en conditionnant la
saisine de la juridiction sociale, en cas d’une opposition à contrainte de la
CNSS, au paiement de la moitié du montant en cause, cette disposition du code
de la sécurité sociale viole l’article 19 de la Constitution du 14 octobre 1992 aux
termes duquel « Toute personne a droit en toute matière à ce que sa cause soit
entendue et tranchée équitablement dans un délai raisonnable par une juridiction
indépendante et impartiale » ;
7. Considérant que la requérante reproche ainsi à la disposition litigieuse du
code de la sécurité sociale de porter atteinte à la liberté fondamentale d’accès à
la justice en en refusant ou empêchant le libre accès à une catégorie de citoyens
en méconnaissance de sa consécration constitutionnelle ;
8. Considérant que par lettre en date du 09 décembre 2024, ci-dessus visée, le
président de la Cour constitutionnelle a demandé à Madame la Directrice
générale de la CNSS de déposer à la Cour son mémoire en réponse ;
9. Considérant que, dans son mémoire en réponse en date du 12 décembre 2024,
la défenderesse, par l’intermédiaire de son Conseil soutient que l’article 21 point
3 du code de sécurité sociale ne crée pas un conflit manifeste avec les
dispositions constitutionnelles, mais réglemente simplement le droit
d’opposition à une contrainte avec toutes les garanties ; qu’il ne prive en aucune
manière le justiciable de son droit d’accès à la justice, mais instaure une
procédure spécifique visant à assurer l’effectivité du recouvrement des
cotisations sociales ; qu’une telle exigence n’est pas contraire au droit d’accès à
la justice, mais vise à garantir que les actions en recouvrement des cotisations
sociales ne soient pas retardées indéfiniment par des procédures dilatoires ;
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10. Considérant qu’aux termes de l’article 84 premier tiret et 7ème tiret de la
Constitution du 14 octobre 1992, il appartient au législateur de fixer
respectivement les règles concernant « la citoyenneté, les droits civiques et
l’exercice des libertés publiques », « l’organisation des tribunaux judiciaires et
administratifs et la procédure devant ces juridictions... » ; qu’il lui incombe
notamment, d’une part, en reconnaissant aux personnes morales de droit public
et, le cas échéant, aux personnes morales de droit privé chargées d’une mission
de service public, lorsque ces organismes agissent dans le cadre de leurs
prérogatives de puissance publique, un pouvoir de contrainte exercé sous la
forme de pénalités financières dans le but de lutter contre les fraudes et les
comportements répréhensibles, de veiller d’autre part, à ne pas priver de
garanties légales les exigences constitutionnelles telles que le droit à un recours
juridictionnel effectif ;
11. Considérant qu’en subordonnant la recevabilité de l’opposition à la
contrainte délivrée par la CNSS à la consignation d’au moins la moitié du
montant des cotisations sous forme de caution bancaire ou d’un dépôt de
cautionnement auprès du greffe du tribunal du travail, le législateur n’a pas
méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 19 de la
Constitution de 1992 mais en a simplement aménagé l’exercice ; que
l’opposition à la contrainte est une voie de recours qui, lorsqu’elle est exercée,
permet d’en obtenir l’interruption, et conséquemment d’ouvrir au débiteur la
possibilité de contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des chefs
de redressements qui font l’objet de la contrainte ; que ce n’est qu’à l’expiration
du délai prévu pour former cette opposition que la contrainte produit les effets
d’un jugement, et que l’organisme créancier peut procéder à la poursuite du
recouvrement de sa créance ; qu’une telle procédure sauvegarde le droit des
personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction qui se
prononcera sur le bien-fondé du titre exécutoire et l’obligation de payer qui en
découle ;
Qu’ainsi, les dispositions de l’article 21 point 3 du code de sécurité sociale ne
sont pas contraires à l’article 19, alinéa 1er de la Constitution du 14 octobre
1992.
En conséquence,
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DECIDE :
Article 1er : La requête du président du tribunal du travail de Lomé est
recevable.
Article 2 : Les dispositions de l’article 21, point 3 du code de sécurité sociale
sont conformes à l’article 19 de la Constitution du 14 octobre 1992.
Article 3 : Le recours en inconstitutionnalité introduit par la
SociétéInternationale de Commerce et d’Industrie (ICI ELDORADO SARL) est
rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au président du tribunal du travail
de Lomé et publiée au journal officiel de la République togolaise.
Délibérée par la Cour en sa séance du 23 décembre 2024 au cours de laquelle
ont siégé Messieurs les Juges : Djobo-Babakane COULIBALEY, Président ;
Kouami AMADOS-DJOKO, Koffi Jérôme AMEKOUDI, Palouki MASSINA,
Pawélé SOGOYOU, Payadowa BOUKPESSI et Kwame MEYISSO.
Ont signé :
Djobo-Babakane COULIBALEY
Kouami AMADOS-DJOKO Koffi Jérôme AMEKOUDI
Palouki MASSINA Pawélé SOGOYOU
Payadowa BOUKPESSI Kwame MEYISSO