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- Date de création 20 juin 2023
- Dernière mise à jour 10 juin 2024
DECISION N°C-008/19 DU 29 MAI 2019
AFFAIRE : Saisine des membres de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC)
DECISION N°C-008/19 DU 29 MAI 2019
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
LA COUR CONSTITUTIONNELLE,
Par requête en date du 15 mai 2019, enregistrée au greffe de la Cour le même jour sous le n°020-G, les nommés FABRE Jean Pierre, LAWSON Latévi Calvin Georges, LAWSON-BANKU PéBoèvi Patrick Augustino, DUPUY Eric, AMEGANVI Manavi Isabelle, CODJO Délava Komlan, QUIST Crosby Harold, CODJO Marcus François Dema Koffi, ADJALOGO Tété Godwin, EKLOU Kangni Jean, DAGBOVIE Koffi, ATTIVI Gertrude Sylvie Yawa Egbo A., NAHM-TCHOUGLI Arzouma Tanimpo et MIKEM Claude Pierre Marie Kuété, tous membres du parti politique l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), ont saisi la Cour pour contester la régularité de la procédure ayant conduit, à l’occasion de l’étude du projet de loi de modification des articles 59, 60 et 100 de la Constitution du 14 octobre 1992, à la modification de vingt-six (26) autres articles à savoir les articles 13, 52, 54, 55,65, 75, 94, 101, 104, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 115, 116, 117, 120,125, 127, 128, 141, 145, 155 et 158,et demandent par voie de conséquence à la Cour d’annuler lesdites modifications qui auraient été adoptées, selon eux, en violation des articles 144 de la Constitution et 82 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale;
Vu la Constitution du 14 octobre 1992, notamment en ses articles 99, 104 et 144;
Vu la loi organique n°2004-004 du 1er mars 2004 sur la Cour constitutionnelle, en son article 36 ;
Vu le règlement intérieur de la Cour adopté le 15 février 2014, notamment en son article 71 ;
Vu le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, en son article 82;
Vu l’ordonnance n°013/19/CC-P du 16 mai 2019 portant désignation de rapporteur ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les requérants exposent qu’à l’occasion de l’étude du projet de loi de modification des articles 59, 60 et 100 de la Constitution du 14 octobre 1992, adopté par le gouvernement le 09 novembre 2018, l’Assemblée nationale a procédé à la modification de vingt-six autres articles sur l’initiative individuelle de certains députés ; qu’arguant que cette procédure ayant violé les articles 144 de la Constitution du 14 octobre 1992 et 82 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la Cour, organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, doit être saisie ;
Que, justifiant leur qualité à saisir la Cour à cet effet, les requérants font observer qu’en l’absence d’indication par la Constitution de celui qui a qualité à saisir la Cour dans une telle hypothèse, il faut recourir aux principes généraux de droit qui commandent l’action en justice, lesquels principes exigent pour la recevabilité d’une action en justice, l’intérêt et la qualité ;
Considérant que les requérants expliquent que ces conditions ressortent clairement de l’article 3 du Code de Procédure Civile qui dispose que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt. » ;
Qu’ils en déduisent qu’étant «tous de nationalité togolaise, majeurs jouissant de leur droit civil et politique et particulièrement du droit d’ester en justice, membres du parti politique l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et donc membres du Pouvoir Constituant, (ils) ont juridiquement un intérêt légitime à voir l’Assemblée nationale fonctionner conformément aux dispositions de la loi et des règles de son Règlement Intérieur. » ;
Considérant, sur la recevabilité, que la Constitution qui, en son article 99 in fine, dispose que la Cour « est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics »,n’a pas spécifié celui qui doit saisir la Cour pour la régulation du fonctionnement des institutions ; que, cependant, d’autres dispositions portant saisine de la Cour ont réglé la question ;
Considérant en effet que, d’une part, l’article 71 du règlement intérieur de la Cour dispose que « en matière de régulation du fonctionnement des institutions, la Cour est saisie par la partie la plus diligente.» ;
Que la partie la plus diligente doit s’entendre une des institutions en conflit, un démembrement ou un membre de l’institution dont le fonctionnement serait irrégulier ;qu’il en résulte que, seuls ceux-ci ont qualité pour saisir la Cour aux fins de régulation du fonctionnement de ladite institution ;
Considérant, d’autre part, que l’article 82-6 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale indique que l’irrecevabilité des projets et propositions de lois qui ne sont pas du domaine de la loi est prononcée par la conférence des présidents et qu’en cas de désaccord, la Cour est saisie par le président de l’Assemblée nationale ; qu’ainsi ledit règlement n’a pas entendu permettre à des personnes étrangères à l’institution de saisir la Cour aux fins de la régulation de son fonctionnement ;
Considérant, enfin, qu’il est de jurisprudence constante de la Cour que les personnes habilitées à la saisir conformément à l’article 104 de la Constitution, le sont également pour toute autre question constitutionnelle dont la régulation du fonctionnement de l’Assemblée nationale; que pour ce faire, les requérants devraient donc être députés ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, la loi ayant défini les personnes habilitées à saisir la Cour aux fins de régulation du fonctionnement de l’Assemblée nationale, la Cour ne peut recourir aux principes généraux de droit comme le soutiennent les requérants ;
Qu’ainsi, bien qu’étant membres d’un parti politique, n’étant pas députés, les requérants n’ont pas qualité à saisir la Cour pour la régulation du fonctionnement de l’Assemblée nationale ;
En conséquence,
DECIDE :
Article 1 : La requête des nommés FABRE Jean Pierre et autres, membres du parti politique l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), est irrecevable.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’Alliance Nationale pour le Changement, à la Présidente de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République togolaise.
Délibérée par la Cour en sa séance du 29 mai 2019 au cours de laquelle ont siégé : madame et messieurs les juges Aboudou ASSOUMA, Président, Maman-Sani ABOUDOU SALAMI, Mèwa Ablanvi HOHOUETO, Mipamb NAHM-TCHOUGLI, Arégba POLO et Koffi TAGBE.
Suivent les signatures :
POUR EXPEDITION CERTIFIEE CONFORME
Lomé, le 29 mai 2019
Le Greffier en chef,
Me DJOBO Mousbaou