DECISION N°E-012/07 DU 27 OCTOBRE 2007

« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »

AFFAIRE : Recours en annulation du scrutin de la Commune de Lomé de Monsieur Léopold Messan GNININVI, candidat de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA)

LA COUR CONSTITUTIONNELLE,

Saisie par requête en date du 25 octobre 2007 adressée au Président de la Cour Constitutionnelle, déposée et enregistrée le même jour ou Greffe de la Cour sous le N°066-G, par monsieur Léopold Messan GNININVI, Professeur d’Université à la retraite, candidat de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) aux élections législatives du 14 octobre 2007, dans la circonscription électorale de la Commune de Lomé, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de tête de liste et de représentant de tous les autres candidats de la liste des candidats de la CDPA aux élections législatives précitées dans la circonscription électorale de la Commune de Lomé, demande formellement l’annulation du scrutin dans ladite circonscription ;

Vu la Constitution du 14 octobre 1992 ;

Vu la loi organique n°2004-04 du 1er mars 2004 sur la Cour constitutionnelle ;

Vu le code électoral ;

Vu le décret n°2007-094/PR du 30 août 2007 portant convocation du corps électoral pour les élections législatives du 14 octobre 2007 ;

Vu le règlement intérieur de la Cour, adopté le 26 janvier 2005 ;

Vu les proclamations des résultats provisoires successives des 17, 18 et 23 octobre 2007 ;

Vu la transmission de l’ensemble des résultats à la Cour Constitutionnelle du 23 octobre 2007 ;

Vu la requête de monsieur Léopold Messan GNININVI ;

Vu le mémoire en réponse présenté le 25 octobre 2007 par le Président de la CELI, enregistré au Greffe le même jour sous le N°069-G ;

Vu les autres pièces du dossier de la procédure ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que le requérant est partie prenante aux élections législatives du 14 octobre 2007 dans la circonscription électorale de la Commune de Lomé, qu’il est donc recevable ;

Considérant que monsieur GNININVI, au soutien de sa demande d’annulation du scrutin, soulève les griefs suivants :

  1. Irrégularité des opérations de vote dans la circonscription de Lomé Commune qui sont de nature à entraîner l’annulation du scrutin ;
  2. 50 523 voix d’électeurs inscrits dans 81 bureaux de votes, n’ont pu être prises en comptes ;
  3. Deux urnes venant de deux bureaux de vote de l’école primaire publique du Camps RIT sont arrivées à la CELI dépouillées de tout leur contenu (Procès-verbaux et bulletins) ;
  4. L’urne du bureau de vote domicilié à l’Ecole Primaire Publique de Kangnikopé est arrivée sans procès-verbal de sorte que le vote des électeurs n’a pu être décompté ;
  5. 37 bureaux de vote représentant 24 362 voix soit 6,30 % des suffrages exprimés n’ont pas du tout été reportés ;
  6. Le collège Monseigneur CESSOU étant fermé les 4 bureaux de vote qui devaient y être logés devaient être transférés à l’EPP de la Poudrière, deux autres bureaux de votes devaient également être créés à l’Ecole Primaire Publique de Hunkpati, le tout pour un total de 5 028 voix soit 1,24 % des suffrages exprimés ;

Qu’il n’a pas été possible de retrouver les procès-verbaux devant contenir les résultats des 4 bureaux de vote qui devaient normalement être logé à l’EPP de la Poudrière ;

Que la CELI a annulé purement et simplement l’ensemble des procès-verbaux arrivés en « doublons » voire en « triplet » en faveur des deux mêmes Partis Politiques ;

Que cette procédure d’annulation globale pure et simple a évidemment emporté la perte des voix qui se sont portées sur la liste des candidats de la CDPA ;

Que la CELI a pénalisé la CDPA en prenant en compte 3 bureaux de vote représentant 5 444 voix, procès-verbaux qui comportaient des doublons avec correction systématique en faveur de l’un des deux Partis Politiques sus-évoqués bénéficiaires attitré de ce genre de correction ;

Que la CELI a aussi inclus dans son décompte les suffrages exprimés dans les bureaux de vote fictifs ci-après : Pa de Souza, EPP Hunkpati ;

Que les suffrages exprimés dans ces bureaux de vote fictifs représentent 1 884 voix et ont été en faveur exclusivement de l’un des Partis Politiques bénéficiaires du système des doublons ;

Que les conséquences des voies diverses adoptées par la CELI dans le décompte des voix sont :

  • la disparition pure et simple de certains procès-verbaux,
  • le manque de 50 523 voix n’ont pas pu entrer dans le décompte ;
  • et l’acquisition indue par les deux Partis Politiques d’un ensemble de 7 328 voix provenant des bureaux de vote fictifs et des doublons ;

Qu’à ces irrégularités il faut ajouter 300 urnes au moins qui sont retrouvées sans scellées. Cette situation fait planer des doutes sur les procès-verbaux retrouvés dans ces urnes et rend suspect de traficotage des résultats qui sont en faveur de la CDPA ;

Que la CDPA relève aussi le problème des individus surpris en fragrant délit d’introduction dans les urnes non scellées, de documents falsifiés et celui de pénurie de vignettes d’authentification dans le but évident de permettre le bourrage des urnes  savamment organisé par certains Partis Politiques ;

Considérant que la CELI dans son mémoire en réponse a conclu ce qui suit :

  • « S’agissant des bureaux qui n’ont pas été pris en compte dans l’attribution des sièges, je tiens à préciser qu’il s’agit essentiellement des doublons frauduleusement créés ;
  • S’agissant des urnes venant de l’EPP Camp Gendarmerie, je tiens à vous préciser que ces urnes ainsi que celles de l’EPP Camp RIT ont fait l’objet de deux scrutins différents notamment le jeudi 11 octobre 2007 et leurs procès-verbaux établis le dimanche 14 octobre 2007 sont effectivement parvenus à la CELI ;
  • Les résultats du bureau de vote D de l’EPP Kagnikopé où étaient inscrits 650 électeurs n’ont pu être centralisés en raison de la défaillance du Président et du Rapporteur dudit bureau ; dans tous les cas, le report de ces voix sur l’une des quelconques listes ne serait pas de nature à modifier l’attribution des sièges ;
  • Les bureaux de vote A, B, D et E ne constituent pas des doublons mais des bureaux jumeaux (confère liste des bureaux de vote Lomé Commune) ;
  • Quant aux bureaux de vote fictifs créés dans les quartiers de Kodjoviakopé et de Tokoin Solidarité, il reviendra à la Cour Constitutionnelle de décider de leur sort ; mais là encore, tout report en faveur de l’une quelconque des listes ne serait fait que pour la santé du droit et non pour l’intérêt d’un Parti ».

Considérant qu’il convient, devant les affirmations du requérant et les observations contraires de la CELI de statuer au vu des éléments du dossier ;

Considérant que le candidat GNININVI n’accepte pas les résultats provisoirement proclamés aux motifs que les opérations électorales du 14 octobre 2007 dans la circonscription électorale de la Commune de Lomé ont été irrégulières et que les irrégularités commises sont de nature à entraîner l’annulation du scrutin ;

Considérant, en ce qui concerne ces irrégularités, le requérant relève :

  • l’annulation pure et simple des doublons voire des triplets,
  • l’inscription par la CELI dans son décompte des suffrages exprimés des bureaux de vote fictifs,
  • la disparition pure et simple de certains bureaux de vote (50 523 voix),
  • les 300 urnes retrouvées sans scellées,
  • l’arrestation de certains individus en flagrant délit d’introduction dans les urnes non scellées de documents falsifiés,
  • l’absence de vignette d’authentification,

Mais, considérant qu’il ressort du rapport de centralisation des résultats du scrutin du 14 octobre 2007 de la CELI de Lomé Commune que, après le décompte des voix, à l’exception :

  1. des 35 bureaux de vote supposés doublés ou triplés ; (il s’agit de résultats différents) ;
  2. des urnes des bureaux de vote arrivées sans résultat (plus de votants que d’inscrits sur la liste soit 825 votants pour 664 inscrits) ; et
  3. des fiches de résultats de 35 bureaux de vote fictifs.

Que les résultats se présentent comme suit :

– Inscrits 453 210

– Votants 378 002

– Bulletins nuls 15 001

– Suffrages exprimés 368 498

Considérant qu’après la rectification opérée par la CENI, il ressort de son rapport de centralisation que les résultats du scrutin du 14 octobre 2007 à Lomé se présentent plutôt comme suit :

– Inscrits 453 210

– Votants 378 002

– Bulletins nuls 10 619

– Suffrages exprimés 367 383

Considérant que depuis les bureaux de vote jusqu’à la CENI, les contrôles se succèdent mais ne se cumulent pas ; qu’ainsi, le bureau de vote contrôle le scrutin, la CELI contrôle les procès-verbaux des bureaux de vote et la CENI contrôle les procès –verbaux des CELI ;

Considérant qu’à l’égard des procès-verbaux des bureaux de vote, il faut avoir à l’esprit que la CELI a un pouvoir d’annulation sous réserve que soit remplie l’une ou l’autre des 2 conditions ci-après :

  • que l’incohérence des résultats figurant dans les procès-verbaux rende ceux-ci inexploitable ou,
  • que ces procès-verbaux soient entachés d’un vice substantiel affectant la sincérité de leur rédaction (doublons, triplets, urnes sans scellées, bureaux de vote fictifs, discordance de chiffres qui ne peut se résoudre ni par la rectification, ni par la correction) ;

Considérant que dans l’un ou l’autre cas il s’agit d’anomalies faciles à déceler parce que manifeste ; qu’il faut souligner que le législateur a privilégié la sincérité  du contenu des procès-verbaux par rapport à leurs rédactions ;

Sur les moyens tirés des annulations des bulletins de vote ;

Considérant qu’aux termes de l’article 121, alinéa 2 « Les bulletins déclarés nuls et les bulletins contestés sont contresignés par les membres du bureau et annexés au procès-verbal » ;

Que les invalidations ont été opérées dans les bureaux de vote en présence des délégués des candidats ou liste de candidats ;

Que les invalidations ont été un phénomène généralisé qui peut s’expliquer par la non maîtrise des mécanismes aussi bien par les électeurs que par les organisateurs du scrutin ;

Qu’il a été constaté que lesdites invalidations n’ont pas visé particulièrement certains partis politiques ou listes de candidats ;

Qu’en conséquence, il y a lieu de dire et de juger que les affirmations de la CDPA ne sont pas fondées ;

Sur les moyens tirés de la pénurie de timbres ;

Considérant qu’aux termes de l’article 96 du code électoral « le bulletin unique de vote comporte les éléments d’identification suivants :

  • les nom et prénoms du candidat ;
  • la photo du candidat en ce qui concerne l’élection présidentielle ;
  • l’emblème du parti politique, du regroupement de partis politiques ou du candidat indépendant ;
  • le sigle du parti politique ;
  • la couleur du parti politique, du regroupement de partis politiques ou du candidat indépendant peuvent éventuellement y figurer ».

Que cette disposition ne fait nulle part mention de l’apposition de timbre d’authentification des bulletins de vote ;

Considérant que l’acceptation de timbres d’authentification résulte d’un accord politique entre les acteurs politiques ;

Qu’en conséquence, l’accord trouvé entre les différents acteurs sur la question s’inscrit dans la logique de l’Accord Politique Global du 20 août 2006 qui fonde le scrutin ;

Sur les moyens tirés des autres griefs soulevés par le requérant, à savoir :

  1. « la procédure d’annulation globale pure et simple des résultats portés sur des procès-verbaux qui ont des « doublons » ou des « triplets » en faveur de deux Partis Politiques a évidemment emporté la perte des voix qui se sont portées sur la liste des candidats de la CDPA ;
  2. 50 523 voix d’électeurs inscrits du corps électoral de la Commune de Lomé dans 81 bureaux de vote n’ont pu être prises en compte pour des raisons diverses ;
  3. l’annulation par la CELI purement et simplement de l’ensemble des procès-verbaux en « doublons » voire en « triplets » avec des chiffres différents toujours en hausse en faveur des mêmes Partis Politiques ;
  4. la CELI a pris en compte les procès-verbaux de 3 bureaux de vote représentant 5 444 voix, procès-verbaux qui comportaient des « doublons » avec correction systématique en faveur de l’un des deux Partis Politiques sus-évoqués pénalisant les candidats de la CDPA ;
  5. la CELI a inclus dans son décompte les suffrages exprimés dans les bureaux de vote fictifs domiciliés à Pa de Souza et à EPP Hunkpati pénalisant encore la CDPA ; que les suffrages exprimés dans ces bureaux de vote fictifs représentent 1 884 voix et ont été en faveur exclusivement de l’un des Partis Politiques bénéficiaires du système de doublons ;
  6. la disparition pure et simple de certains procès-verbaux a eu deux conséquences : d’un côté 50 523 voix n’ont pas pu entrer dans le décompte ; de l’autre, l’acquisition indue par les deux Partis Politiques d’un ensemble de 7 328 voix provenant des bureaux de vote fictifs et des « doublons » de Kodjoviakopé, Solidarité et Agbalépédogan ;
  7. qu’après le scrutin, sur 751 urnes, 300 au moins de ces urnes sont arrivées non scellées ; que cette situation fait planer des doutes sur les procès-verbaux retrouvés dans ces urnes et rend suspect de traficotage, les résultats qui sont en défaveur de la CDPA » ;

Considérant que l’imprécision des noms des deux Partis Politiques en question rend flou la compréhension et la détermination des deux Partis Politiques ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que le requérant n’apporte pas la preuve de ses allégations ;

Qu’il échet de l’en débouter ;

DECIDE :

Article 1er: La requête de Monsieur Léopold Messan GNININVI Professeur d’Université à la retraite, candidat de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’intéressé, au Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et publiée au Journal Officiel de la République togolaise.

Délibérée par la Cour en sa séance du 27octobre 2007 au cours de laquelle ont siégé : MM. les Juges Aboudou ASSOUMA, Président ; Mama-Sani ABOUDOU-SALAMI, Kouami AMADOS-DJOKO, Chef Améga Yao Adoboli GASSOU IV, Mme Ablanvi Mèwa HOHOUETO, Mipamb NAHM-TCHOUGLI, Lucien Bébi OLYMPIO, Arégba POLO, Koffi TAGBE.

Ont signé :

Aboudou ASSOUMA, Président

Mama-Sani ABOUDOU-SALAMI Kouami AMADOS-DJOKO

Améga Y.A. GASSOU IV Mme Ablanvi Méwa HOHOUETO

Mipamb NAHM-TCHOUGLI Lucien Bébi OLYMPIO

Arégba POLO Koffi TAGBE

DECISION N°E-012/07 DU 27 OCTOBRE 2007

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