DECISION N°E-017/07 DU 28 OCTOBRE 2007

« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »

AFFAIRE : Recours de M. Bassabi KAGBARA,

tête de liste du parti PDP dans la Binah

LA COUR CONSTITUTIONNELLE,

Saisie par Monsieur Bassabi KAGBARA, tête de liste du Parti

Démocratique Panafricain (PDP) dans la circonscription électorale de la Binah, aux élections législatives du 14 octobre 2007, par requête en date du 18 octobre 2007 enregistrée au greffe le 23 courant sous le n° 049-G, aux fins d’obtenir l’annulation desdites élections pour diverses irrégularités ;

Vu la Constitution du 14 octobre 1992 ;

Vu la loi organique n°2004-004 du 1er mars 2004 sur la Cour constitutionnelle ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement intérieur de la Cour, adopté le 26 janvier 2005 ;

Vu le décret n° 2007-094/PR du 30 août 2007 portant convocation du corps électoral pour les élections législatives du 14 octobre 2007 ;

Vu les proclamations successives des résultats provisoires les 17, 18 et 23 octobre 2007 ;

Vu la transmission des résultats provisoires par la Commission Electorale Indépendante (CENI) le 23 octobre 2007;

Vu la requête du Parti Démocratique Panafricain (PDP) ;

Vu le mémoire en réponse du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) en date du 25 octobre 2007 enregistré le même jour au greffe sous le n° 060-G ;

Vu les pièces jointes au dossier ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant qu’à l’appui de sa demande d’annulation des élections dans la préfecture de la Binah, la liste PDP-Binah relève plusieurs irrégularités notamment :

  • Intimidation et expulsion des délégués PDP des bureaux de vote ;
  • Encres frauduleuses dans les bureaux de vote ;
  • Disparition d’urnes ;
  • Consignes de vote ouvertement données même jusque dans les bureaux de vote ;
  • Vote massif de Béninois ;
  • Insuffisance des bulletins de vote et de timbres d’authentification dans les bureaux de vote ;
  • Achat de conscience ;
  • Détournement des voix de PDP au profit du RPT ;

Considérant que le RPT dans sa réponse réfute toutes les allégations du PDP, qui selon lui, ne sont étayées par aucune preuve ;

Sur le grief fondé sur l’intimidation suivie d’expulsion des délégués PDP des bureaux de vote ;

Considérant que la requérante soutient que ses délégués ont fait

l’objet d’intimidation suivie d’expulsion des bureaux de vote de Sirka, Kémérida et Ptcikita, en violation des articles 101, 103 et 119 du code électoral ; qu’elle en déduit que la sincérité du scrutin se trouve entachée ;

Considérant que, comme l’a relevé le Secrétaire Général du RPT dans sa réponse, la requérante procède par simple affirmation sans apporter la moindre preuve de ses allégations ; qu’en outre, les investigations ont permis de constater que certains de ses délégués ont signé la fiche de dépouillement dans lesdites localités ; que dès lors ses arguments ne sauraient être accueillis ;

Sur le grief fondé sur la différence d’encre ;

Considérant que les candidats PDP font valoir que « dans le bureau de marché Kétao A2, une encre parallèle à celle retenue officiellement pour voter a été utilisée » ; qu’ils précisent que l’encre « était de couleur noire alors que celle réglementairement retenue, de couleur bleue, a été introduite par le RPT dans les bureaux de vote, avec la complicité du président du bureau de vote » ; qu’ils excipent qu’une vérification des bulletins de l’urne en cause, édifiera la Cour ;

Considérant que ces allégations, accompagnées par un témoignage audio qui n’a aucune valeur probante, sont contredites par le procès-verbal de dépouillement du bureau de vote qui ne relève aucune irrégularité ; qu’il en résulte qu’elles ne sauraient emporter la conviction de la Cour ;

Sur le grief tiré de la disparition d’urnes

Considérant que les requérants arguent que « durant toute la matinée du jour du scrutin, le bureau de vote de Kétao Ecole Marché B est resté en marge de l’opération », parce que leur a-t-on signalé, « l’urne destinée pour ce bureau de vote a disparu pendant le convoiement » ; qu’ils précisent que ce fait est le résultat d’une collusion entre le Secrétaire Général de la préfecture de la Binah, M. Ahonkpo Ayaovi, chargé du convoiement des urnes et les dignitaires du RPT ;

Considérant qu’il ressort de cette relation des faits, qu’il s’agit, non de disparition d’urne, mais d’ouverture tardive d’un bureau de vote ;

Considérant que s’il est exact que l’ouverture tardive d’un bureau de vote est de nature à décourager les électeurs dudit bureau, la preuve n’est pas faite, en l’espèce, que ce retard ait eu lieu, le rapport de la CELI-Binah ainsi que le procès-verbal de dépouillement dudit bureau n’en ont pas fait cas ; qu’à supposer même que cela soit établi, il ne peut suffire à lui seul à entraîner la nullité sollicitée ;

Sur le grief fondé sur la consigne de vote

Considérant que la liste PDP-Binah expose que le jour du vote, le 14 octobre 2007, le suppléant de la liste RPT, M. KADANGA ainsi que certains chefs de village et de canton ont procédé à une campagne dans des centres de vote ; que pis encore, certains responsables RPT donnaient non seulement des consignes de vote et allaient dans les bureaux de vote avec les électeurs ; qu’il en est ainsi :

* Dans le bureau de vote n° 25 Ecole Marché Kétao, où le délégué du RPT conduisait « les électeurs dans l’isoloir pour leur faire apposer l’indexe à côté du symbole RPT » ;

* A l’EPP Solla Kouyalla centre où « M. GADO Nassini, membre

du comité central du RPT s’est introduit dans le bureau de vote et accompagnait les électeurs jusqu’à l’isoloir en leur indiquant le symbole RPT » ;

* A Kétao, à l’école de Boufalè, les ministres MAGANAWE, Pré, le colonel en retraite TATANGUE et le maire de Pagouda, ont constamment intimidé et influencé les électeurs dans les bureaux de vote en violation des articles 86, 113 et 159 du code électoral ;

Considérant que, s’il ne fait aucun doute que ces faits s’ils étaient établis, seraient de nature à entacher gravement la sincérité du scrutin, il n’en demeure pas moins vrai, qu’en l’espèce, aucune preuve suffisante n’a été faite ; que ni les procès-verbaux de dépouillement dans le dites zones, ni le rapport de la CELI-Binah n’ont fait ressortir aucune de ces irrégularités ;

Qu’ainsi lesdites allégations ne sauraient faire foi ;

Sur le grief tiré du vote massif de Béninois

Considérant que la liste PDP-Binah fait valoir qu’il y a eu un vote massif de Béninois qui, pour ce faire, ont été « déplacés la veille du jour du scrutin et campés dans des maisons des proches du RPT » ou « le jour même du scrutin » ; qu’à l’appui de ces allégations, elle produit deux cassettes (CD), une audio et une vidéo recueillant le témoignage de deux « Béninois » munis de cartes d’électeur et venus voter et d’autres Togolais « témoins d’irrégularités » ;

Considérant que, si ces allégations étaient établies, elles seraient de nature à entacher la régularité du scrutin, le code électoral n’ayant reconnu comme électeurs que des Togolais en âge de voter ;

Considérant que les témoignages produits sur lesdites cassettes n’ont aucune valeur probante ; qu’en effet, la carte d’électeur fait foi de l’origine togolaise desdits « Béninois » jusqu’à preuve du contraire ;

Que ne l’ayant pas fait, le PDP ne peut se prévaloir desdites allégations ;

Sur le grief fondé sur l’insuffisance des bulletins de vote et de timbres d’authentification

Considérant que les candidats PDP-Binah prétendent que dans les centres de vote de l’EPP Pagouda et Boufalè CEG il y a « à déplorer une insuffisance criarde des bulletins de vote comme des timbres d’authentification des bulletins de vote » ; qu’ils en déduisent qu’il y a eu violation de l’article 112 du code électoral qui prévoit les dispositions à prendre pour éviter de telles anomalies ;

Considérant que le moyen ainsi développé n’est étayé par aucune preuve ; qu’au surplus, à supposer qu’il soit établi, la pénurie de bulletins pénaliserait tous les candidats alors que la pénurie de timbres qui n’est pas spécifique à la préfecture de Pagouda, a trouvé un règlement ayant permis à tous ceux qui étaient dans le cas de jouir de leur droit de vote ; qu’il s’ensuit que ce moyen doit être écarté ;

Sur le grief fondé sur l’achat de conscience

Considérant que la liste PDP-Binah expose que « bon nombre de ses délégués ont été achetés soit par l’argent ou par des dons en nature par le Rassemblement du Peuple Togolais le jour même du vote » ; qu’elle en déduit que cette pratique qui constitue une infraction à l’article 157 du code électoral est une porte ouverte à la fraude ;

Considérant que, s’il ne fait aucun doute que l’article 157 du code électoral, réprime cette pratique lorsqu’elle est avérée, il est de principe qu’elle ne constitue pas une cause de nullité absolue d’un scrutin ; qu’en l’espèce, l’absence de preuve autre que les témoignages audio, qui n’ont aucune valeur probante, enlève à ces allégations toute vraisemblance ;

Sur le grief fondé sur l’attribution erronée de bulletins nuls au RPT

Considérant que les candidats de la liste PDP-Binah excipent que « les bulletins qui devaient en fait être annulés ont été arbitrairement attribués au RPT lors du dépouillement » ; qu’ils qualifient ce fait de fraude ;

Considérant que lesdites allégations ne sont étayées par aucune preuve ; qu’ils échet de les rejeter ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’article 167 du code électoral ne peut recevoir application ; qu’en tout état de cause, les irrégularités soulevées même si elles étaient établies, ne sont pas de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin au regard des résultats du vote dans la circonscription électorale de la Binah ;

DECIDE :

Article 1er: La requête de la liste du Parti Démocratique Panafricain est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CENI, aux intéressés et publiée au Journal Officiel de République Togolaise.

Délibérée par la Cour en sa séance du 28 octobre 2007 au cours de laquelle ont siégé : MM. les Juges Aboudou ASSOUMA, Président ; Mama-Sani ABOUDOU-SALAMI, Kouami AMADOS-DJOKO, Chef Améga Yao Adoboli GASSOU IV, Mme Ablanvi Mèwa HOHOUETO, Mipamb NAHM-TCHOUGLI, Lucien Bébi OLYMPIO, Arégba POLO, Koffi TAGBE.

Ont signé :

Aboudou ASSOUMA, Président

Mama-Sani ABOUDOU-SALAMI Kouami AMADOS-DJOKO

Améga Y.A. GASSOU IV Mme Ablanvi Méwa HOHOUETO

Mipamb NAHM-TCHOUGLI Lucien Bébi OLYMPIO

Arégba POLO Koffi TAGBE

DECISION N°E-017/07 DU 28 OCTOBRE 2007

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