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- Date de création 14 juin 2023
- Dernière mise à jour 14 juin 2023
AVIS N°AV-002/14 DU 31 DECEMBRE 2014
Affaire : Saisine du Président de l’Assemblée nationale
AVIS N°AV-002/14 DU 31 DECEMBRE 2014
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« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
La Cour constitutionnelle ;
Saisie par lettre n° 692/2014/AN/CAB/PA en date du 30 décembre 2014, enregistrée le même jour au Greffe de la Cour sous le n°011-G, par laquelle le Président de l’Assemblée nationale sollicite l’avis de la Cour constitutionnelle relativement à l’examen de la proposition de loi déposée le 20 novembre 2014 à l’Assemblée nationale et portant modification de certains articles de la Constitution du 14 octobre 1992 ;
L’avis sollicité porte sur deux questions : d’une part, le Président de l’Assemblée nationale voudrait « savoir si oui ou non la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale est compétente pour l’étude au fond de ladite proposition de loi » ;
D’autre part, après avoir rappelé que « tout projet ou proposition de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale doit suivre la procédure indiquée par notre Règlement », il ajoute qu’il a été « constaté par un procès-verbal que les travaux de la commission se trouvent bloqués », faute de consensus, et pose la question suivante à la Cour : « le but de la procédure étant de favoriser un examen serein au sein de la commission avant tout débat en plénière, nous voudrions savoir si la recherche de consensus permet d’ignorer cette procédure » ;
Vu la Constitution du 14 octobre 1992 ;
Vu la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ;
Vu le Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO du 21 décembre 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance ;
Vu la loi organique n° 2004-004 du 1er mars 2004 sur la Cour constitutionnelle ;
Vu le Règlement intérieur de la Cour, adopté le 15 février 2014 ;
Vu le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ;
Vu les pièces du dossier notamment :
- la lettre n°688/2014/AN/DC/DSL du Président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale datée du 24 décembre 2014 ;
- la lettre n°689/2014/AN/CAB/PA du Président de l’Assemblée nationale au président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale datée du 26 décembre 2014 ;
- le procès-verbal de la réunion du 26 décembre 2014 de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale ;
Le rapporteur ayant été entendu,
Sur la première question
Considérant que des lettres du Président de l’Assemblée nationale, du Président de la Commission des lois, constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale et du procès-verbal de la réunion de la commission des lois visés ci-dessus, il ressort qu’avant de commencer l’étude, par la commission des lois, de la proposition de la loi portant modification de certains articles de la Constitution, le vice-président de ladite commission, Maître Adama DOE BRUCE soutenu par les députés Isabelle AMEGANVI et Georges LAWSON, a demandé qu’il y ait d’abord un débat sur la procédure à suivre en relevant que «le Règlement intérieur place la révision de la Constitution sous le chapitre III du Titre II relatif aux procédures spéciales » et que ce règlement « n’indique nulle part qu’en matière de révision constitutionnelle la commission des lois devra être saisie pour étude au fond d’un projet ou d’une proposition de loi de révision constitutionnelle » ;
Qu’il soutient qu’en son article 110, ce Règlement est muet sur l’applicabilité de la procédure législative ordinaire à la révision de la Constitution et que, par contre, le même règlement, en son article 111, renvoie expressément à la procédure législative ordinaire en ce qui concerne l’examen, la discussion et le vote du projet ou de la proposition de loi organique ;
Qu’il en déduit que, la loi de révision constitutionnelle en cause doit être renvoyée directement à la séance plénière pour examen « et pour plus de célérité » dans son adoption ;
Considérant que, pour leur part, les députés, Komi KLASSOU, Christophe TCHAO et Awédéou TCHASSE, se référant à l’article 34 du règlement intérieur, soutiennent que « les lois constitutionnelles font partie des affaires que la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale doit connaitre » ; que, par conséquent, elle est « compétente pour étudier cette proposition de loi portant révision de la Constitution » ;
Considérant qu’après discussion, les trois alternatives suivantes ont été retenues:
- la commission suspend les travaux et demande au Président de l’Assemblée nationale de saisir la Cour constitutionnelle pour indiquer la procédure à suivre ;
-la commission constate la « non application » de la procédure législative ordinaire aux travaux d’étude de la proposition de loi et demande au Président de l’Assemblée nationale de saisir directement la plénière à cet effet ;
- la commission se déclare pleinement compétente pour continuer l’étude de la proposition de loi constitutionnelle et établir son rapport ;
Considérant que, pour éviter un vote sur ces trois alternatives, la commission a choisi de « requérir » auprès du Président de l’Assemblée nationale « les instructions nécessaires aux fins de la poursuite de ses travaux sur la proposition de loi » ;
Considérant que, dans sa réponse, le Président de l’Assemblée nationale a souligné que cette initiative est « inédite dans la jurisprudence en matière de discussion législative » et que le Président de l’Assemblée nationale n’a pas « pour rôle de donner des orientations ou des instructions pour les discussions en commissions » ;
Qu’il demande au président et aux membres de la commission de « prendre leur responsabilité » ;
Considérant que la proposition de loi objet de litige énonce en son article 1er que « les dispositions des articles 38, 52, 59, 60, 62, 100, 101 et 144, de la Constitution du 14 octobre 1992 sont modifiées ......... » ; que ladite proposition de loi se place donc sous le régime de l’article 110 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale » ; que ledit article 110 dispose que « les projets et propositions de loi portant révision de la Constitution sont examinés, discutés et votés dans les conditions fixés à l’article 144 de la Constitution.
Toutefois, ils ne peuvent faire l’objet de la procédure d’urgence prévue aux articles 88 et suivants du présent Règlement intérieur » ;
Qu’il en résulte que tout projet ou proposition de loi dont l’objet est la modification de la Constitution doit d’une part, se référer à l’article 144 de la Constitution et, d’autre part, suivre la procédure ordinaire prévue aux articles 91 et suivants du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour son examen ;
Considérant que le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, en son article 39-1, dit que « les commissions sont saisies à la diligence du Président de l’Assemblée nationale, de tous les projets ou propositions de lois entrant dans leurs compétences » sans spécification ni exclusion ; qu’il ajoute, au 4ième tiret du même article, que « le rapport sur le fond d’une affaire ne peut être confié qu’à une seule commission ;
Considérant que l’article 34-1 du Règlement intérieur institue une «commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale » ; qu’au regard des dispositions ci-dessus, ladite commission est seule compétente pour examiner la proposition de loi dont s’agit et établir un rapport à l’attention de la plénière ;
Considérant que, lorsqu’un examen immédiat en plénière est envisagé, il doit être placé sous le régime de l’article 89 du Règlement intérieur qui dispose que « La discussion immédiate d’un projet de loi, d’une proposition de loi ou d’une proposition de résolution peut être demandée par le gouvernement ou par quinze députés au moins.
L’Assemblée nationale statue et se prononce sur l’opportunité de la discussion immédiate à main levée et sans débat. » ; que cette procédure d’urgence est exclue par l’article 110-2 du Règlement intérieur en ce qui concerne les projets et propositions de loi portant révision de la Constitution;
Sur la deuxième question
Considérant que le Président de l’Assemblée nationale demande de savoir si la recherche de consensus permet d’ignorer la procédure d’examen des textes ;
Considérant que l’article 144 de la Constitution dispose que « l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et à 1/5 au moins des députés composant l’Assemblée nationale.
Le projet ou la proposition de révision est considéré comme adpoté, s’il est voté à la majorité des quatre cinquième (4/5) des députés composant l’Assemblée nationale.
A défaut de cette majorité, le projet ou la proposition de révision adopté à la majorité des deux tiers (2/3) des députés composant l’Assemblée nationale, est soumis au référendum.
Le Président de la République peut soumettre au référendum tout projet de loi constitutionnelle. » ;
Considérant que la procédure de vote telle qu’instituée aux alinéas 2,3 et 4 l’article 144 de la Constitution ci-dessus énoncé s’inscrit dans la logique de recherche de large consensus pour la modification de la Constitution ;
Considérant que la recherche de consensus sur certaines questions est une méthode exceptionnelle qui se justifie par le souci d’éviter, en ce qui concerne des questions d’importance nationale, que l’application automatique de la règle démocratique de la majorité n’ait pour effet d’imposer la seule volonté de cette majorité, même relative, à la minorité ; que le consensus exige des parties des concessions pour obtenir un point commun acceptable aussi bien pour la majorité que pour la minorité ;
Considérant qu’en l’espèce, l’avantage supplémentaire d’un consensus sur la proposition de loi de révision de la Constitution serait de mettre cette révision en conformité avec l’article 10, alinéa 2 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui dispose que « les Etats parties doivent s’assurer que le processus d’amendement ou de révision de leur Constitution repose sur un consensus national comportant le cas échéant le recours au référendum » et avec le Protocole A/SPI/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui dit en son article 2, alinéa 1er que, « aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques »
Considérant, en tout état de cause, que le consensus qui est un assouplissement de la règle démocratique de la majorité démocratique n’a pas pour objet de bloquer la procédure normale d’adoption de la loi ;
EST d’AVIS
1 - Que la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale est compétente pour l’examen au fond de la proposition de loi de révision de la Constitution dont elle est saisie.
2- Que l’absence de consensus ne doit pas porter sur la procédure d’examen de la proposition de loi mais sur les modalités d’adoption de celle-ci ;
Le présent avis sera notifié au Président de l’Assemblée nationale et publié au Journal officiel de la République togolaise.
Délibéré par la Cour en sa séance du 31 décembre 2014 au cours de laquelle ont siégé : madame et messieurs les juges : Aboudou ASSOUMA, Président ; Mama-Sani ABOUDOU-SALAMI, Kouami AMADOS-DJOKO, Ablanvi Mèwa HOHOUETO, Mipamb NAHM-TCHOUGLI, Arégba POLO et Koffi TAGBE.